Où étiez vous... ? (extrait)

(La scène se passe dans un lieu indéterminé. Carole entre et s'adresse au public)

CAROLE

Si je l'aimais ? Je suppose que certaines personnes éprouvent ce que nous éprouvions l'une pour l'autre et appellent cela de l'amour.

Entre nous, entre Noémie et moi, nous n'avons jamais parlé d'amour, ni même d'amitié, encore moins d'un quelconque sentiment sororal.

Le mot qui qualifierait le mieux ce qui nous liait serait peut-être « affection ».

C'est cela : une affection. C'est exactement cela.

Médicalement parlant, sentimentalement parlant, elle était mon affection.

Je suppose qu'elle pourrait dire la même chose à mon sujet.

(Noémie entre et s'adresse elle aussi au public)

NOÉMIE

Si je l'aimais ? Je ne sais pas. Je ne me suis jamais posé la question. Jamais de cette façon.

En fait, je n'aime pas dire « j'aime » ; comme je n'aime pas dire « je pense » ou « je suis ».

Je ne crois pas qu'on puisse réellement se définir par ce qu'on est, je crois qu'on se définit beaucoup plus par ce qu'on n'est pas.

La plupart des gens se passent d'ailleurs très bien de ce qu'ils aiment. Vous aimez la cuisine mexicaine mais vous n'en mangez pas à tous les repas ; vous aimez le théâtre pourtant vous passez le plus souvent vos soirées devant la télé.

On ne trahit bien que ce que l'on aime.

En revanche, on est extrêmement fidèle à ce qu'on n'aime pas.

Non, je ne peux pas vous dire si j'aimais Carole. Je sais que je ne l'ai jamais trompée.

Je sais aussi que, dès que je l'ai vue, j'ai su que je ne pourrais jamais me passer d'elle.